3 - Donnons quelques moyens de lecture d’un rêve


Podcast  correspondant à ce texte : quelques moyens de lecture d'un rêve

 

 

Les profondeurs.

    L’audition de l’histoire d’un rêve ne peut être d’ordre esthétique. Il s’agit d’une énergie des profondeurs, au sens de Carl Gustav Jung, comme l’est l’eau au fond d’un puits qui veut être bue. Bien sûr, plus le puits est profond, plus il est sombre et ce n’est pas inquiétant. Il suffit de se dire que personne depuis longtemps n’y est descendu pour y mettre des lumières ! Dans ces profondeurs dans lesquelles nous descendons rêve après rêve comme le montre l'escalier initiatique de la photo mise en présentation du blog, gît l’inconscient personnel – ce que nous avons à régler dans notre direction de vie et Freud avait inauguré cette démarche – mais aussi et en même temps l’inconscient Universel. La démarche que nous entreprenons est similaire à cet endroit secret, ce centre en nous où l’Univers est unifié et ceci est un pléonasme car unus versus veut dire « tourné vers l’Un ». 

Les  associations.

         Quand quelqu’un rêve d’une personne ou d’un lieu ou d’une chose, il faut lui demander ce qu’il pense de cette image ou personnage sortis du rêve. Son ressenti – que d’autres appellent projection - est alors une clef de lecture de tout le reste du rêve en toute justice. Par exemple, à cause de ces associations, on constatera que le rêveur recopie le modèle maternel ou paternel qui ne lui convient manifestement pas... ou que les choix antérieurs de sa vie sont dictés par des déterminismes inconscients qui « oblitèrent » sa vie.

         En revanche, s’il n’y a pas de proposition d’association, si tel élément ne dit rien au rêveur, c’est qu’il revêt immédiatement une couleur archétypale qui vient d’au-delà de son habitude de penser ou d’être. Pour moi, il n’est pas possible de dire que l’homme est la mesure de l’homme. Oui, le monde des archétypes est en chacun depuis des millions d’années, ce que Jung a rassemblé tout au long de sa vie avec courage.

 

Plusieurs rêves dans une nuit.

         J’ai souvent perçu deux sortes de mouvement dans ces circonstances. Un des rêves donne des armes très positives et constructives qui élargissent le rêveur afin de le préparer à un autre épisode où il s’agit d’aborder des choses difficiles qui nécessiteront une transformation. Jamais un rêve ne laisse le rêveur seul : il lui donne des armes ou une poésie à fins de détachement ou renoncement afin de trouver une direction de vie. Mais on est obligé de s’y coller puisque le rêve nous l’impose !

 

Le déraisonnable.       

         Il y a des rêves qui ont l’air très simples tellement ils reflètent la réalité. Mais il y a toujours une petite surprise quelque part : une phrase irrationnelle, des mots incongrus etc. C’est là que se cache le message du rêve, l’envers du monde et comme dirait Jung, l’expérience numineuse autrement dite émotionnellement « divine ».

 

Les séries de rêves.

         L’interprète se rend compte que les rêves fonctionnent quelquefois par série pendant deux ou trois semaines, abordant un sujet principal dont l’inconscient souhaite que le rêveur prenne conscience. En ce sens, je le répète, c’est encore l’inconscient qui est le thérapeute. L’inconscient veut devenir conscient, veut advenir à la conscience du rêveur. à ce titre, si la séparation est trop forte entre l'inconscient et le conscient, l'inconscient pour se faire comprendre, lui-même perturbé par l'unilatéralité du conscient, demandera un acte anormal. Là, il ne faut pas obéir au rêve. le moi doit tenir bon. seule la série de rêves peut montrer la vraie indication.

 

L’intuition.

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         Mais enfin, il m’arrive de rester silencieux un temps avant de répondre à la narration d’un rêve. Toute sensation inopérante, tout sentiment inopérant, toute pensée inopérante. Alors ? Et soudain monte ce que l’on appelle une intuition, comme si ça parlait du fond de moi sans que ma pensée l’ait vérifiée. Et ceci nous mène à la vie de l’Esprit dont je parlerai dans un autre article de ce blog. Une illustration pourrait en être cette image, où à travers les diverses colorations et formes de notre psyché (voir les pierres) il y a quelque part une colonne verticale qui apparaît...

 

Les écueils à éviter.

- La vue dogmatique à choix arrêté. Par exemple, quand on parle de psychologie des profondeurs, un rêve dans les « hauteurs » n’est pas systématiquement mauvais. Par exemple, quand un rêveur parle de poupée, cela ne veut pas dire que la poupée est une momie ! On entend de drôles de torsions de rêves. Cela semble d’ailleurs tellement impossible que le reste du rêve est alors illisible, et évité par l’interprète qui est alors incapable de le comprendre.

- Une interprétation par le rêveur lui-même au début de sa démarche. Eu égard aux projections et aux déterminismes qui l’habitent, il pensera que les rêves parlent vraiment de l’autre rêvé (parents, collègues de travail etc.) alors que « ça » parle d’une part de lui.

- L’interprète n’établit pas de diagnostic. L’interprète exerce uniquement un compagnonnage, faisant parler l’âme qui parle elle-même en rêve ou en rêve éveillé ou en songe.

- Comme on le voit chez Jung ou Perrot, leur regard culturel est immense pour recueillir cette Parole numineuse que l’âme recueille aussi dans les rêves de chacun. Mais l’accompagnement du rêveur ne consiste pas en une illustration culturelle, si élaborée soit-elle. Car l’âme attend la transformation, un changement de sens de vie du corps qu’elle habite et non une bibliothèque.

- Tout objet dans un rêve devient symbole, symbole qui n'a qu'une signification: l'Être en moi. Mais il a de multiples interprétations. L’interprète ne peut pas être dans l’ignorance de la culture humaine en général car elle transcende le psychisme humain et apporte une parole de l’Archétype. C’est pourquoi Jung a tant présenté les correspondances entre les rêves et toute sortes de convictions qui parcouraient les peuples de la terre et par tous les temps, ce que l’on appelle l’inconscient collectif.

 

Conclusion

         S’il fallait être un peu sombre, je dirais : l’inconscient est un chat qui est libre d’aller partout. Mais quand on ne l’écoute pas, il devient un tigre.


 

         S’il fallait être plus lumineux, je citerais un distique du mystique du 16ème siècle, Angelus Silesius qui dit bien le travail intérieur pour notre temps 2023 : « mon corps est une coquille à l'intérieur de laquelle un poussin attend d'être couvé par l'esprit de l'éternité »[1], établissant une dialectique entre moi qui porte le poussin et la grâce du Dieu. Alors regardons comme une suite cette image extraite de l’Atalante fugitive de Michaël Maier[2] : nous y voyons le glaive passé au feu (igneo gladio est-il écrit en haut), feu qui est à la gauche spirituelle ; nous voyons dans l’axe de l’œuf un long couloir qui n’a pas de porte fermée et qui est en perspective : c’est évidemment passer l’autre côté du monde illustré par un clocher d’église au fond à droite. En effet, au bout d’un beau travail intérieur, le glaive enflammé percera l’œuf philosophique et lui ouvrira les portes les plus verrouillées vers l’Esprit de feu qui est en chacun.


n.b.) Les moyens concrets

Toute manière de procéder est bonne. Ce peut être une rencontre chez moi à Boulogne dans les Hauts-de-Seine à 300 mètres du métro. Ce peut être une rencontre par divers moyens numériques. Ce peut être par téléphone et c’est tout aussi intéressant tellement l’aspect méditatif est grand puisque l’on est dans un compagnonnage sans image. Dans tous les cas, on reste dans une position ternaire : le rêveur, l’interprète et au milieu des 2, le rêve auquel chacun des deux doit obéir. Il n’y a pas d’obligations de rythmes de rencontres. Nous sommes à la disposition des nécessités du chemin et c’est l’intuition du rêveur qui décide de me joindre pour un rendez-vous.

 

 

 Pour lire le chapitre suivant de cet opuscule de Gaël de Kerret, suivez le lien :

4 - Exemples non interprétés et non situés, pierres brutes de quelques rêves  

 


[1] Le pèlerin chérubinique, éditions du Cerf 1994, 2ème livre p. 119

[2] édit Dervy 1997 p.103